Il n’y a pas d’âge pour s’élancer, et Jayne le prouve chaque jour. À 65 ans, elle incarne la liberté, le courage et l’envie de ne rien remettre à demain. Son histoire, c’est un rappel précieux : vivre, c’est vouloir vivre – peu importe l’âge, peu importe les peurs.
« Regardez les gars comme Jayne vous met la pâtée ! »
Je souris, puis rétorque : « On n’a jamais dit que c’était une compétition ! La clé, c’est la collaboration. Avancer tous et toutes ensemble, n’est-ce pas ? »
Pourtant, c’est vrai : Jayne leur met sacrément « la pâtée » aux gars.
À 65 ans, Jayne cavale dans la via ferrata des gorges du Durance. Elle cavale parce qu’elle a de plus en plus l’habitude de la verticalité. Et qu’elle n’a pas peur, ou elle la maîtrise vraiment bien, cette appréhension du vide.
L’important, c’est de partager un moment de montagne à plusieurs, nous sommes bien d’accord, mais Jayne, première de cordée, avouez que ça a de la gueule !
Sans doute parce que rien n’était écrit d’avance. C’est ce qu’elle m’a raconté quelques jours plus tard : « Je m’occupais des enfants à la maison. Mike [son mari, ndlr] avait le rugby, on allait le voir jouer le week-end. Je ne me suis jamais trop posée d’autres questions. »
Puis un jour, sa belle-fille lui a proposé d’enfiler un baudrier.
Une main tendue qui lui fait réaliser que c’était « maintenant ou jamais ».
Jayne, elle est britannique, alors elle dit : « Now or never ».
Cette allitération en « n » confère une belle musicalité à cette phrase, que l’on ne retrouve pas dans la langue française.
« Now or never ».
Il y a un sentiment d’urgence.
Une peur, une nécessité.
Mais aussi une promesse.
La promesse de ne plus remettre à demain.
De ne pas attendre que tout soit parfait, que le courage arrive.
La promesse de se lancer, même quand on a peur, même quand on n’est « pas prête ».
Parce qu’attendre, c’est déjà renoncer un peu.
« Voir les enfants [son fils et sa belle-fille, ndlr] bouger partout, être dehors, m’a donné envie de faire pareil. » m’a avoué Jayne. « Alors voilà, je le fais ».
« On trouve toujours une solution »
« Jayne, c’est une force de la nature » m’a dit sa belle-fille. « Tu sais qu’elle part faire du vélo toute seule ? Elle prend le train, et s’en va, pour une journée. »
J’ai demandé à Jayne de m’en dire plus sur ses aventures à deux roues. C’est alors que j’ai réalisé qu’elle avait les mêmes peurs que moi : la solitude, la crevaison… Et que le plus difficile, même si elle ne me l’a pas dit, ça devait être de fermer la porte, son vélo à la main, pour dire à Mike, son mari : « À toute à l’heure ».
Puis de monter dans le train.
« J’ai compris que l’on trouve toujours une solution, quelqu’un de bienveillant sur le bord du chemin, quoiqu’il arrive », conclut Jayne.
C’est alors que je me suis dit : « Pourquoi ne pas partir sur les chemins des Hautes-Alpes à vélo avec Jayne ? Ce serait le moyen idéal de poursuivre cette histoire débutée à flanc de falaise ».
J’avais peur qu’elle me mette « la pâtée » à vélo, Jayne.
Alors j’ai tout donné, elle aussi.
Et je crois bien que l’on était bien fières d’avoir ajouté une jolie aventure à nos vies respectives.
Vivre, c’est vouloir vivre
Une pensée ne m’a pas quittée sur le vélo : « J’aimerais tellement être comme Jayne, au même âge. »
Mais pour tout vous dire, je me rends bien compte que ces histoires d’âge, c’est une bien belle connerie. Car ce qui importe, c’est ce qu’il y a dans le coeur, cette irrépressible envie de découverte, de rencontres, d’aventures.
Le poids des années ne peut rien faire face à la volonté.
Merci, Jayne, pour ce doux rappel.

