Étiquette : escalade

  • Plus fortes que les hommes, vraiment ?

    Plus fortes que les hommes, vraiment ?

    En célébrant la domination de Janja Garnbret dans l’une de ses dernières vidéos, Le Monde relance le débat : les femmes peuvent-elles être plus fortes que les hommes ? Une question qui en dit long sur notre manière de penser l’égalité… et sur les limites d’un modèle de performance calqué sur celui des hommes.

    Ce n’est pas souvent que les journalistes du Monde s’intéressent au microcosme de l’escalade. Ils ont choisi de le faire la semaine dernière, via la mise en scène d’un « duel » hommes/femmes. Une vidéo virale – plus de 130 000 vues sur YouTube – qui réduit la performance des femmes à… une simple comparaison.

    « Plus fortes que les hommes ? » interroge la miniature.

    Avouons-le : nous sommes nombreux·ses à vouloir que cela soit vrai. Ou, à défaut, que les femmes atteignent le même niveau.

    Qui n’a pas envie de voir, à la une d’un magazine, une femme enchaîner un 9c ?
    Ou se hisser sur la plus haute marche du classement général de l’UTMB, par exemple ?

    Des sports où les femmes ont déjà surpassé les hommes, il en existe (contrairement à ce qu’affirme Le Monde dans sa vidéo). Jasmin Paris sur The Spine Race – souvent décrite comme l’un des ultra-marathons les plus difficiles d’Europe – en est l’un des plus beaux exemples. En 2019, la traileuse britannique avait bouclé les 430 kilomètres de cette course en 83 heures et 12 minutes, devançant de plus de 12 heures le premier homme. Même son de cloche du côté de la voile : en 2022, Kirsten Neuschäfer est devenue la première femme à remporter un tour du monde en solitaire sans escale, après huit mois de mer.

    Rappelons d’ailleurs qu’en 1993, une grimpeuse avait déjà marqué l’histoire : Lynn Hill, première à réussir l’ascension en libre du Nose, sur El Capitan. Rien de nouveau, donc, à voir les femmes côtoyer le très haut niveau masculin… même si ces role models ont longtemps été invisibilisées.

    Lynn Hill dans The Nose (1993)
    Lynn Hill dans The Nose (1993)

    Mais il est vrai que l’actuelle « domination » de la grimpeuse slovène Janja Garnbret, à laquelle Le Monde s’est intéressé, apporte un souffle nouveau à la discipline. Ses dix titres de championne du monde inspirent.

    Il en va de même de ses deux titres olympiques.

    « Va-t-elle concourir avec les hommes ? » interroge Le Monde, qui semble nourrir un certain appétit à voir les femmes se rapprocher du très haut niveau masculin en escalade. À cette question s’en ajoute une autre : « À quand le 9c ? »

    Ce à quoi Janja répond : « Ce n’est qu’une question de temps. »

    Une question de temps avant d’égaler les meilleures performances masculines.

    Mais pourquoi notre société semble-t-elle désormais vouloir des surfemmes ?
    Peut-être parce que les surhommes, eux, ne suffisent plus.

    Quid des inégalités structurelles ?

    Vu sous cet angle, on dirait presque que performer serait la manière la plus simple – et la plus efficace – de clore le débat sur les inégalités entre les femmes et les hommes. C’est ce que semblait suggérer Katherine Choong, grimpeuse suisse auteure de la première grande voie féminine Zahir, dans un récent article de Vertige Media.

    L’argument est pratique. Rassurant, même.

    Mais il masque le travail collectif encore nécessaire.

    Car oui, la performance attire l’attention des médias – l’un des leviers permettant de mettre en lumière la question de l’égalité entre les sexes. Mais elle ne change rien aux inégalités structurelles, qui ont la peau dure : celles qui concernent les salaires, le traitement médiatique, les stéréotypes persistants ou encore l’accès aux infrastructures.

    Que Janja Garnbret concoure avec les hommes – ou qu’elle enchaîne un 9c – ne résoudra pas cette fâcheuse tendance qu’a notre société à mettre des bâtons dans les roues aux petites filles désireuses de prendre les mêmes risques que les garçons.

    Car certes, célébrer des héroïnes a le mérite de créer de puissants modèles féminins, ce qui aide à se projeter. Mais quid de la masse des pratiquantes invisibilisées ? Celles qui passent encore en secondes dans la cordée. Non pas par choix, mais par habitude. Voire même par contrainte.

    Tracer sa propre voie

    Et si, plutôt que de regarder la situation à travers les œillères de la performance – si bien intégrées qu’on en oublie qu’elles restreignent notre champ de vision -, on sortait enfin de ce combat stérile… où la référence demeure l’homme ?

    Pourquoi les femmes devraient-elles chercher à fonctionner comme leurs homologues masculins ?

    Ne serait-il pas temps de cesser les comparaisons ?

    Et de mettre fin à cette course à la performance ?

    Une course dont les règles du jeu ont été définies par des hommes. Pour des hommes.

    Et si, au lieu de faire de l’escalade un terrain d’affrontement social, on laissait aux femmes la liberté de tracer leur propre voie ?

  • « Muga » : la voix d’Ashima Shiraishi, enfant prodige

    « Muga » : la voix d’Ashima Shiraishi, enfant prodige

    Si vous cherchez un film d’escalade où la performance est mise à l’honneur, passez votre chemin. Car dans «  Muga  », le dernier film d’Ashima Shiraishi, enfant prodige désormais âgée de 24 ans, nulle question de cotations. Ici, on ne parle pas d’une grimpe où les chiffres règnent en maître, mais plutôt d’un doux mélange entre spiritualité, art et passion qui nous rappelle à quel point pouvoir s’exprimer pour ces rochers relève du miracle… et nous remet à notre place.

    «  Ces rochers abritent des écosystèmes entiers, logés dans des touffes de mousse accrochées, comme nous, au caillou.
    Nous voyons le rocher comme quelque chose d’inerte, mais il faut se rappeler que lui aussi évolue, qu’il est dynamique, fluide.
    Lorsque nos mains rencontrent le rocher, il faut prêter attention. Écouter.
    Car nous avons entre les mains quelque chose d’ancien et d’extrêmement vivant.  »

    Ashima Shiraishi, dans « Muga »

    Les rochers dont Ashima Shiraishi nous parle dans « Muga  » (à visionner en fin d’article) sont ceux de Brione, situés dans la vallée du Tessin, en Suisse. Ces blocs, dont la surface a été façonnée pendant des millénaires par les glaciers et les intempéries, sont disséminés au milieu d’une forêt de conifères. Chaque aspérité du rocher, chaque fissure et chaque arête raconte sa propre histoire, si tant est qu’on veuille bien tendre l’oreille pour l’écouter, quitte à entièrement revoir notre rapport à l’escalade… Ce que la grimpeuse nous invite à faire.

    «  Pour moi, l’escalade est un rituel. Un acte créatif.
    Le bloc, une toile vierge.
    Le grimpeur reçoit l’opportunité de converser avec la pierre — pierre inerte, immobile, mais qui s’éveille à travers la chorégraphie de ses mouvements. […]
    Dans l’acte physique, l’esprit trouve le silence.
    Je tends vers l’idéal zen : l’effacement de soi, un pas vers le Muga.  »

    Ashima Shiraishi, dans « Muga »

    Dans son film, Ashima Shiraishi partage son expérience du « muga  », un état transitoire, libre de tout attachement, de toute attente et de tout désir, dans lequel la grimpeuse semble avoir trouvé un espace pour grimper, mais aussi pour être. Simplement.

    Ce concept zen japonais repose sur l’idée du « rien ». Il nous invite à davantage nous ancrer dans le présent, dans la réalité de ce qui nous entoure. Ainsi, on en apprend davantage sur l’histoire géologique de Brione que sur Ashima Shiraishi, qui cède la place de personnage principal au caillou. Pourtant, il y en aurait des choses à dire sur cette narratrice, l’une des plus grandes grimpeuses de tous les temps.

    «  Mais parfois, le rocher devient un miroir.
    La manière dont on grimpe en dit long sur la façon dont on bouge, réagit et vit dans le monde.
    L’acte physique de saisir le rocher m’apporte une immense joie. Mais paradoxalement, l’esprit doit se détacher, ne rien attendre du résultat.
    Être pleinement présent, c’est se libérer de toute attente, et simplement être dans l’instant singulier.
    Quelle différence y a‑t‑il entre grimper, danser et jouer ?
    Ces mouvements sont motivés par une curiosité profonde, car nous cherchons tous des réponses sur le rocher.  »

    Ashima Shiraishi, dans « Muga »

    Ce film, certains l’ont vu comme une réponse : celle donnée par une enfant prodige ayant, pendant plusieurs années, disparu des radars, qui écrit aujourd’hui sa propre partition. Car quand on parle d’Ashima Shiraishi, difficile de ne pas convoquer les sacro‑saintes cotations.

    Ashima, c’est l’enfant prodige.

    Après avoir découvert l’escalade à Central Park, elle s’est vite amusée à inscrire son nom dans l’histoire de la discipline, devenant, à 10 ans, la plus jeune grimpeuse à réussir un bloc coté 8B (« Crown of Aragorn  », à Hueco Tanks, au Texas). Trois ans plus tard, elle a signé la première ascension féminine d’un 8C (« Horizon  », au Mont Hiei, au Japon). Parallèlement à d’exceptionnelles performances, la jeune grimpeuse dominait les compétitions internationales chez les jeunes, raflant les titres mondiaux en bloc et en difficulté en 2015 et 2016, avant de s’imposer aux championnats nationaux américains.

    À 16 ans, Ashima figurait déjà sur les radars des plus grandes marques. Arc’teryx, Evolv, Petzl, puis Coca‑Cola Japon ou encore Nikon se bousculaient pour associer leur image à la sienne. Elle n’a pourtant jamais fait figure de femme‑sandwich : exit les posts à gogo et le storytelling bien ficelé sur les réseaux sociaux. Pas son truc.

    À la place, elle a publié, en 2020, un album jeunesse,  « How to Solve a Problem  ». Elle aurait pu y raconter ses exploits. Mais non : la jeune grimpeuse, alors âgée de 19 ans, préfère raconter comment l’escalade l’a aidée à faire face aux obstacles de la vie. Une ode profondément humaine à la vulnérabilité, à l’échec et à la persévérance.

    Vous l’aurez compris : Ashima Shiraishi fait partie de ces grimpeuses qui ont choisi de faire un pas de côté. Au lieu de s’enfermer dans le circuit professionnel, en visant les Jeux olympiques, elle a choisi de poursuivre des études mêlant neurosciences et environnement.

    On le voit dans le film : l’enfant prodige continue de grimper, à sa manière, non pas pour conquérir les blocs les plus difficiles au monde, mais pour les honorer.

    «  J’ai grandi en méditant avant même de commencer l’escalade, et j’ai toujours intégré la méditation comme partie intégrante de ma pratique.
    Et, d’une certaine manière, je pense que l’escalade peut être une forme de méditation.
    Mais aussi, en méditant avant de grimper, je constate que ma conscience corporelle s’éveille davantage. La lenteur et la patience que l’on cultive par la méditation peuvent vraiment aider à remarquer des choses différentes, tant dans son propre corps que sur le rocher.  »

    Ashima Shiraishi, dans « Muga »

    Avec son dernier projet,  »Muga  », Ashima Shiraishi apporte un vent de fraîcheur sur ce que grimper veut dire, loin de toute idée de performance. Ainsi, dans ce film, le spectateur n’est pas qu’un simple consommateur  : il vit, à travers le jeu de sons et d’images, une véritable expérience similaire à ce que la grimpeuse éprouve sur le rocher. «  Je voulais créer quelque chose de plus méditatif, plutôt qu’une œuvre qui apporte un rapide pic de dopamine  », conclut Ashima.

    Objectif atteint.

    Mieux : il donne envie à la plupart d’entre nous de reconsidérer notre rapport à l’escalade.

  • À la découverte du « pouvoir du vélo », avec Lara Amoros

    À la découverte du « pouvoir du vélo », avec Lara Amoros

    « Un jour de mai 2022, nous sommes partis sans grandes ambitions vers l’Est, et nous avons gardé ce cap un certain temps », raconte Lara Amoros, guide de haute montagne de 37 ans, qui a vécu cette aventure incroyable aux côtés de Bruno Sourzac, formateur à l’ENSA (École nationale de ski et d’alpinisme). « Une histoire de deux fous qui ont passé plus de deux ans à tournicoter autour de la Terre ! » résume-t-elle avec le sourire. Ces « deux fous » ont emporté avec eux leur matos de grimpe, prêts à gravir certaines des plus belles falaises du monde, de la Turquie à l’Amazonie en passant par le Japon et l’Australie. Leur périple de trois ans est raconté dans un film de 55 minutes, réalisé en « zéro budget production », comme aime le dire Lara (à découvrir en fin d’article). Elle a raconté à encordées leur voyage par téléphone. Ses mots nous ont transporté à travers le globe, on espère qu’il en sera de même pour vous.

    Je suis guide de haute montagne – et aussi institutrice, en disponibilité depuis quelques années déjà. Étant originaire du bord de mer, donc du Sud, devenir guide n’était pas du tout un rêve d’enfant ; en revanche, devenir alpiniste, oui.

    Je grimpe donc depuis longtemps, depuis mes 8 ans. Et le vélo a toujours été présent dans ma vie. Ma mère ne conduisait pas : elle a toujours tout fait à vélo, notamment à une époque où ce n’était pas très courant d’avoir un enfant sur le porte-bagage pour aller en ville. Mais je n’ai pas vraiment fait de voyage à vélo avec mes parents. En revanche, je suis partie pour mon premier trip grimpe à vélo.

    J’ai toujours pratiqué ce qu’on appelle le « vélo-grimpe ». Disons que le vélo, c’était mon moyen de déplacement, mais l’objectif, c’était quand même d’aller grimper. Pour ce trip, on avait fait, avec des copains qui avaient comme moi une vingtaine d’années, la traversée des Pyrénées. C’était pratique : on pouvait partir de chez nous à vélo, ça ne coûtait pas cher, et on était autonomes. On a fait une dizaine de sommets – enfin, de grandes voies un peu montagne, comme on en trouve au Vignemale par exemple [3 298 mètres, le point culminant des Pyrénées françaises, ndlr].

    L’année suivante, on a essayé de combiner vélo et alpinisme en Suisse. C’était très chouette, mais on s’est dit que c’était moins compatible. Déjà parce que le climat n’était pas le même que dans les Pyrénées. Et aussi parce qu’on était toujours un peu décalés par rapport aux bonnes conditions en montagne.

    Pour l’alpinisme, il faut être beaucoup plus réactif. Et cet été-là, il avait beaucoup neigé – on était bien plus chargés, et pas toujours dans les bons créneaux. Si bien que même en roulant sous la pluie, quand on arrivait au pied des montagnes, il y avait encore de la neige.

    Plus récemment, on est repartis sur un trip vélo-grimpe en Espagne. À cette époque-là, mon copain, Bruno, n’avait jamais vraiment voyagé à vélo. Ça lui a plu. Et je pense que c’est ce qui l’a motivé pour le tour du monde.

    Tandis que moi, je m’étais toujours dit qu’un jour, je partirais longtemps à vélo. J’avais un peu l’exemple d’un couple qui, dans les années 80-90, avait voyagé pendant 14 ans : les Hervé, je crois [Françoise et Claude Hervé, auteurs du livre “Le tour du monde à vélo”, ndlr]. Ils avaient eu une petite en cours de route. À l’époque, on ne communiquait pas trop là-dessus. Et puis je pense que des gens comme eux, ils n’avaient pas grand-chose non plus.

    La petite [Manon, ndlr] était rentrée à 6 ans, je crois, et elle devait avoir à peu près mon âge quand j’ai découvert leur histoire. Ça m’avait pas mal marquée. Alors je me suis dit : « Plus tard, je ferai comme eux. »

    Au moment de partir, j’étais déjà en disponibilité et je ne faisais plus que guide. Donc, on va dire que j’étais déjà assez libre. J’ai quand même prévenu mes clients : « Je pars un an. » Et puis, à chaque fois, j’ai un peu rallongé.

    Quand tu pars, tu te dis qu’un an, c’est super long. Et c’est assez marrant, parce qu’au début, pendant les premières semaines, j’avais l’impression qu’on roulait depuis des mois. Le temps s’étirait vraiment. Comme tu es tout le temps dehors, à bivouaquer, je ne trouvais pas le temps long, mais je me disais : « Wahou, en fait, c’est génial, on profite beaucoup plus. » Les journées semblaient plus longues. Et puis, comme dans la vie, au bout d’un moment, ça finit par s’accélérer.

    On a décidé de rallonger quand on est arrivés au bout de l’Asie, après un an de voyage. On n’était pas loin de destinations qu’on ne reverra peut-être jamais : le Japon, l’Australie… Des endroits où il faut traverser la planète en avion pour y aller. Alors on s’est dit : « Allez, on continue. » On a fait un an de plus. Et puis encore un petit rallongement ensuite, parce qu’on avait un plan pour rentrer en voilier, qui a finalement capoté un peu au dernier moment.

    Le fait de rallonger comme ça, au fur et à mesure, nous donnait quand même l’impression d’être en sursis. Disons que c’était un peu du bonus à chaque fois. Donc on se disait toujours : « Il faut en profiter, il ne nous reste plus que six mois. » Je pense qu’on l’aurait vécu différemment si, dès le départ, on s’était dit : « On a trois ans devant nous. » On aurait peut-être fait plus de pauses. Même si, à la base, on n’est pas trop du genre à vouloir se poser longtemps au même endroit, je pense qu’on aurait été un peu moins dans cette urgence de vouloir profiter à fond.

    Lara et Bruno sur les routes @Lara Amoros

    Avec Bruno, on est un peu nuls pour faire des plans. Les vélos, on les a achetés d’occasion juste avant le départ. Le voyage, on a décidé ça trois mois avant de partir – le temps de faire la demande de dispo, parce que le délai, c’est trois mois. Il n’y a pas eu de grande préparation ni de plan vraiment préétabli, mais on savait au moins qu’on voulait partir vers l’Est. C’est la direction logique quand tu veux aller le plus loin possible par voie terrestre.

    Il n’y avait aucune revendication écologique dans notre projet. Après, évidemment, moins on prenait l’avion, mieux c’était. L’idée, au départ, c’était de commencer à grimper en Turquie. Et on avait quand même envie de pédaler dans le Pamir, donc au Tadjikistan. C’était un peu ça, la motivation. Pas plus que ça. On s’est dit qu’on verrait en chemin.

    Après, la seule vraie contrainte, ce sont les visas. Il y a plein de pays – toute l’Asie centrale, par exemple – où tu as droit à un mois, pas plus. Donc un mois à vélo dans des pays comme le Kazakhstan, tu es quand même obligé de t’organiser un minimum : pour la semaine suivante, pour sortir à temps, ou alors pour sortir et re-rentrer si tu as besoin d’un peu plus de temps.

    Une fois qu’on avait passé l’Asie et l’Océanie, la suite logique, c’était l’Amérique du Sud, et surtout l’Argentine. J’y avais déjà passé un peu de temps, et Bruno avait pas mal de copains là-bas. C’était un peu comme un retour à la maison. C’était assez marrant.

    Ce qui m’a le plus manqué pendant le voyage, c’était le camion. Parce qu’en camion, tu peux vraiment te poser, rester quelque part sans bouger, et te reposer pour de vrai. Alors que là, en campant à l’arrache, ce n’était pas pareil. Tu ne peux pas passer la journée au milieu d’un jardin public juste parce que tu as décidé de lever le pied ce jour-là. Je me disais que c’était cool d’avoir un véhicule. Mais finalement, j’ai réalisé qu’une fois la frontière passée, c’est beaucoup plus contraignant. Alors qu’avec le vélo, si à un moment tu en as marre, si tu n’en peux plus de te faire frôler par les voitures, tu le mets sur le toit d’une bagnole ou dans un bus.

    Et puis, tu es quand même beaucoup plus libre qu’à pied. Nous, on est guides tous les deux, donc notre quotidien, c’est de marcher avec un sac à dos. Le fait de ne pas porter de charge sur le dos, c’est quand même un vrai luxe. On fait attention à ce qu’on emporte sur les vélos, on essaie d’être au plus léger, mais franchement, on n’est pas à deux kilos près – alors qu’à pied, chaque gramme compte.

    Et marcher chargé, c’est franchement relou. En plus, à pied, quand tu traverses une région, tu mets dix jours à voir le paysage changer. À vélo, en deux jours, tu as déjà changé d’ambiance. Là où on le ressentait encore plus, c’était quand on arrivait dans une grande ville : on était super libres dans nos déplacements. Pas besoin de marcher pendant des heures ou de chercher un taxi. Pour moi, le vélo, c’est vraiment ça : la liberté.

    En plus, tu ne pollues pas, donc tant mieux. Ça ne coûte pas cher. Et la seule essence que tu achètes, c’est pour le réchaud. C’est quand même chouette.

    Par contre… tu manges beaucoup. Beaucoup plus qu’à pied. C’est assez fou. Je n’ai jamais fait d’hypoglycémie en marchant, mais à vélo, on a vraiment pris des bons coups de bambou. Au début, je me disais qu’on allait s’habituer. Mais en fait, non : si tu ne manges pas toutes les deux ou trois heures, ça ne passe pas. C’est marrant. C’est un effort qui demande beaucoup.

    Bivouac dans les champs @Lara Amoros

    Là où on avait vraiment le plus à apprendre, c’était sur le matos vélo. Sur mes trips précédents, je partais avec mon vélo habituel, sans trop me poser de questions. Là, on s’est dit qu’il fallait partir avec des trucs pas forcément légers, mais surtout solides. On a trouvé deux vélos d’occasion auprès d’un couple – c’était parfait : ils faisaient la même taille que nous, chacun le sien. Des vélos en acier, assez lourds (17 kilos sans les bagages), mais qu’on peut ressouder. Partout dans le monde, tu trouves quelqu’un pour souder de l’acier. L’alu, c’est une autre histoire.

    Pour le reste du matos, c’était plus simple : notre quotidien, c’est déjà le matériel de grimpe. On a pris ce qu’on utilise d’habitude, en essayant d’alléger un peu. En montagne, en tant que guides, on a déjà les dégaines les plus light, les friends les plus compacts, ce genre de trucs. Pour la tente, on a vite compris que la référence chez les cyclistes, c’est la MSR — celle que tout le monde a. On est partis avec une tente neuve, et on a bien fait : elle a bien morflé.

    Globalement, préparer le matos a été assez facile, parce que c’est ce qu’on fait tout le temps. Mais malgré tous nos efforts pour partir léger, on s’est vite rendu compte qu’on avait quand même des trucs en trop. On s’est allégés un peu quand on a croisé des gens qui rentraient en France. Mais on n’a jamais envoyé de colis. C’est assez drôle : tu pars déjà avec très peu, et pourtant, il y a encore un petit peu de superflu.

    Pas beaucoup. Mais un petit peu.

    Lara sur la route @Lara Amoros

    Globalement, la grimpe et le vélo, ce sont deux activités qui ne fatiguent pas du tout de la même manière. Et c’est justement ça qui les rend assez compatibles, je pense.

    Une journée de grimpe, ça ne nous épuise pas vraiment. Ce n’est pas comme une grosse journée en montagne, où tu marches beaucoup et où tu portes du poids. Et les journées de vélo, tu les doses vraiment comme tu veux. Quand tu es cuit, de toute façon, tu n’avances plus. Tu t’arrêtes. Et c’est assez fou : en une nuit, tu récupères.

    Ce qui était un peu plus contraignant, en revanche, c’était d’arrêter complètement l’une ou l’autre des deux activités. Le vélo, même après un mois d’arrêt, on reprenait super vite. Tandis que l’escalade, c’est plus ingrat. Il y a eu des pauses grimpe quand il fallait simplement rejoindre le prochain spot, ou parfois parce qu’on avait décidé de faire une séquence purement vélo – comme sur certaines routes emblématiques, la Pamir Highway par exemple. Et au final, tu te rends compte que tu ne seras jamais vraiment dans une forme optimale en escalade.

    En plus de ça, il y a le changement constant de style de grimpe. Le temps de comprendre comment ça marche à un endroit, tu es déjà ailleurs.

    Sur les piliers au-dessus de la mer @Lara Amoros

    Je quittais chaque pays en me disant : « Il faut absolument qu’on y revienne ». Pour des raisons très différentes à chaque fois. La Turquie, par exemple, j’aimerais y retourner en camion. Ce n’est pas si loin, et là-bas, les gens étaient vraiment incroyables.

    Alors bien sûr, les gens sont globalement accueillants un peu partout dans le monde – et pas seulement dans les pays pauvres ou riches, comme on l’entend parfois. On a souvent tendance à faire des généralités sur “l’hospitalité des pays pauvres”, mais en réalité, on a rencontré des gens géniaux partout. Cela dit, en Turquie, c’était presque systématique. Il y avait des journées où on nous proposait de boire le thé tous les 100 mètres.

    L’Asie centrale aussi m’a marquée, avec ses paysages désertiques d’altitude. C’est vraiment le type d’environnement montagnard que j’adore. Bien plus, par exemple, que la Nouvelle-Zélande – même si tout le monde dit que c’est magnifique, sauvage. Pour nous, les glaciers et les forêts, c’est du familier, c’est ce qu’on voit tout le temps. Mais ces grands plateaux entre 4 000 et 5 000 mètres, sans arbres, sans eau… ça, ce sont des paysages qui nous fascinent.

    On a aussi adoré grimper en Australie et en Tasmanie, sur ces espèces de tours au-dessus de la mer. C’était hyper exotique pour nous. Ce n’était pas très haut, mais il fallait gérer plein de paramètres : la hauteur des vagues, la marée, etc.

    Et puis le Japon… culturellement, on a vraiment adoré.

    Lara et Bruno @Lara Amoros

    Ce voyage nous a changés, c’est certain. Parfois, tu es toi-même étonnée de ce que tu peux endurer, ou des façons dont tu réagis. Tu te surprends.

    Déjà, tu ne pars pas faire ce genre de voyage avec n’importe qui. C’est ce qu’on se disait avec Bruno, dans les moments où c’était difficile à supporter : finalement, avec qui d’autre on aurait pu faire ça ? Personne. Même pas ton meilleur pote.

    On était en mode zéro budget. On dormait tout le temps à l’arrache. Il y a eu de longues périodes où on était crados. Et franchement, on est souvent un peu nuls niveau organisation. On achetait à manger une heure avant de se poser au bivouac. Et s’il n’y avait rien… eh bien on ne mangeait pas. Mais on fonctionne un peu pareil là-dessus.

    Cela dit, on s’est quand même dit qu’on avait peut-être poussé un peu trop loin dans l’inconfort. Parce que quand tu enchaînes les grosses journées, si tu n’as pas une petite récompense à la fin, c’est dur. Parfois, il ne faut pas grand-chose. Juste une douche.

    Et dans les pays riches, tu te rends vite compte de tout ce qui te fait envie. Dans les supermarchés, il y a plein de trucs que tu n’as pas vus depuis des mois, surtout après des pays où les rayons sont presque vides. Là, tu as tout… mais c’est super cher. On a mis du temps à comprendre que, ne pas s’offrir de petits moments de réconfort, ça nous épuisait.

    Quand on commençait à mal se parler, on réalisait que notre seul vrai réconfort, c’était d’avoir un moment tranquille à deux, le soir. Ça nous a pris du temps, mais une fois qu’on a compris ça, on a mieux géré. Il y a eu des moments où on faisait plus “équipe” que “couple”. Et parfois, c’est juste comme ça. Parce que des fois, il faut juste avancer.

    Bruno sur la route @Lara Amoros

    La vraie conclusion de ce projet, c’est la confiance en l’humanité.

    On n’a croisé personne de mal intentionné. On ne s’est jamais fait emmerder. Jamais virés d’un terrain où on campait à l’arrache, même en pleine ville, même sur un terrain de rugby. Jamais.

    Le vélo, ça attire la curiosité. On appelait ça le pouvoir du vélo à la fin. Les gens veulent t’aider, alors qu’en vrai, tu n’as pas besoin d’aide. Tout va bien. T’es juste assis devant un supermarché, et quelqu’un sort pour t’offrir une boisson fraîche. Alors que t’avais même pas remarqué qu’on t’avait remarqué.

    Presque chaque jour, il y avait une situation improbable, juste parce que les gens sont surpris, curieux, touchés, pour des raisons très différentes. Certains sont admiratifs : tu fais un effort physique pour être là. D’autres pensent que tu es pauvre et ont pitié. Et puis certains te prennent pour un aventurier, un mec qui a fait quatre fois le tour du monde.

    Mais dans tous les cas, les gens sont ultra sympas. Et ça, c’est vraiment chouette.
    Parce que parfois, on a l’impression qu’on vit tous dans nos petites bulles, méfiants, refermés. Et là, tu découvres que non. Il y a partout des gens ouverts, généreux, curieux, attentifs.

    C’est une bonne leçon de voyage. Une qu’on a envie de garder en tête, même une fois revenus à une vie plus sédentaire. 

    Quelque part sur le globe @Lara Amoros

    Escal’À 2 roues, le “road-movie réalisé avec les moyens du bord”

    On a aussi fait un film pendant le voyage. Là encore, zéro budget de production. Quand on est arrivés au Japon, on avait déjà filmé pas mal de choses, plutôt pour nous, pour des souvenirs persos. Et on a été invités à Tokyo par une association de guides que Bruno avait formée plusieurs années de suite – soit ils venaient à Chamonix, soit lui allait au Japon. Ils nous ont organisé une petite fête de bienvenue. Super sympa, mais comme les Japonais parlent assez peu anglais – à l’époque, Bruno bossait avec une interprète – on s’est dit : « La soirée va être un peu longue si on ne peut pas échanger… »

    Alors dans l’après-midi, j’ai monté un petit film de 15 minutes avec des images de la première année. Juste pour partager un peu. Et finalement, ce petit film s’est rallongé au fil des mois. Il a fini par durer une heure.

    On l’a présenté un peu partout, au cours du voyage : dans des salles d’escalade, des clubs alpins, dans différents pays. Et comme on se retrouvait souvent face à des publics qui ne parlaient pas notre langue, on a gardé le film muet, juste avec de la musique. L’idée, c’était de discuter après, de laisser place à l’échange.

    Et c’est drôle, parce qu’en ne disant pas trop dans le film, on a parfois suscité plus de réactions que si on avait tout raconté. J’ai beaucoup dessiné pendant le voyage, et certaines pages de mon carnet faisaient les transitions entre les vidéos. Ça a vraiment créé du lien. À la fin d’une projection, les gens venaient nous parler, nous donner des contacts, des potes grimpeurs à l’autre bout du pays. C’est comme ça qu’on a rencontré plein de gens.

    Voir le film de Lara et Bruno ici

  • Première féminine : « Bravo les filles », ouverte par Lynn Hill en 1999, libérée par Sasha DiGiulian et Marianna Ordóñez

    Première féminine : « Bravo les filles », ouverte par Lynn Hill en 1999, libérée par Sasha DiGiulian et Marianna Ordóñez

    C’est une page importante de l’histoire de l’escalade féminine qui s’est écrite à Tsaranoro ces derniers jours. Vingt-six ans après son ouverture par Lynn Hill, leader d’une cordée exclusivement féminine, Bravo les filles a enfin été libérée dans son intégralité par deux grimpeuses. Fin juin, Sasha DiGiulian et Marianna Ordóñez ont réussi la première ascension libre féminine de cette grande voie emblématique du granite malgache (600 mètres d’escalade répartis en 13 longueurs, dont un crux en 8b). Un accomplissement technique, symbolique et inspirant.

    Bravo les filles. Comme son nom le suggère, cette voie, située à Tsaranoro, l’un des spots d’escalade les plus célèbres de l’hémisphère Sud, c’est avant tout une histoire de femmes. 

    Tout commence en 1999, année où Lynn Hill, légende de l’escalade, et ses compères – Beth Rodden, Nancy Faegan et Kath Pike – posent leurs chaussons sur le granit des falaises malgaches, qui offrent une inhabituelle richesse gestuelle tout en exigeant technique, détermination et un indispensable soupçon d’engagement. La particularité de leur expédition ? Être uniquement composée de grimpeuses – accompagnées de Greg Epperson, photographe, Kevin Thaw, monteur et d’un duo de caméramans, Michael Brow et Rob Raker. 

    « [Nous] sommes arrivées à notre camp de base, situé à une heure de marche du massif du Tsaranoro, le 23 juin. De là, nous avons remarqué une paroi particulièrement belle avec un sommet séparé à droite de la formation principale. Nous avons donc décidé de le gravir » raconte Lynn Hill à l’American Alpine Club. « Le 24 juin, nous avons commencé la première longueur de la voie. Comme nous étions quatre grimpeuses, nous nous sommes divisées en deux cordées de deux. Kath et moi d’un côté ; Nancy et Beth de l’autre. » 

    Une ascension technique et engagée

    « La partie inférieure de la paroi était peu déversante, mais une fois les premières longueurs passées, la falaise est progressivement plus raide – et l’escalade plus difficile. Comme il y avait très peu de fissures dans lesquelles placer des protections naturelles, nous avons placé des plaquettes » détaille la grimpeuse américaine. 

    Les premières centaines de mètres, ne dépassant pas le 6b, ne présentent aucune difficulté majeure pour les grimpeuses. Les choses commencent à se corser à partir des 6e et 7e longueurs – respectivement cotées 6c+ et 7b+. « Lorsque nous avons atteint la 8e longueur, Beth a dû partir pour une compétition aux États-Unis. Kath, Nancy et moi avons donc continué à équiper les cinq dernières longueurs jusqu’au sommet » poursuit Lynn Hill. « Notre objectif était de grimper l’ensemble de la voie depuis le sol tout en plaçant toutes les plaquettes de protection en tête. »

    Les grimpeuses finiront par équiper la voie un jour seulement avant leur départ. Ce qui leur a laissé peu de temps pour la libérer. « Jusque-là, j’avais escaladé en libre toutes les longueurs de la voie, à l’exception de la longueur 8 [cotée 8b, ndlr]. » raconte la grimpeuse américaine. « Le dernier jour, Nancy et moi sommes descendues en rappel jusqu’à la longueur 8 et j’ai commencé à travailler sur une séquence de mouvements compliquée. […] Après avoir essayé toutes les solutions possibles et imaginables pour passer cette section de rocher vierge pendant plus de deux heures, j’ai finalement trouvé un moyen de grimper en libre après le crux. Après avoir travaillé chaque mouvement de la longueur, j’ai essayé d’enchaîner la séquence complète à deux reprises, mais à chaque fois, j’ai manqué de force sur les derniers mouvements avant la fin. Après avoir passé près de 15 jours à grimper, hisser, jumper, descendre en rappel et forer plus de 50 plaquettes, mon corps était épuisé. Néanmoins, pendant les dernières heures du jour, Nancy et moi avons continué l’escalade libre des cinq dernières longueurs de la voie (7b, 6c, 6a+, 6b, 5c). À la fin de la journée, Nancy, Kath, Rob [l’un des caméramans, ndlr] et moi avons grimpé en solitaire la dernière centaine de mètres menant sommet de la formation Tsaranoro. Tout en regardant le soleil se coucher sur les vastes hautes terres désertiques des Andringitra, nous avons tous ressenti un grand sentiment de paix et de satisfaction d’avoir gravi une voie aussi superbe. »

    Bravo les filles, à l’époque la grande voie la plus difficile jamais gravie par une équipe féminine, venait de naître. 

    Une voie libérée pour la première fois en 2004

    Et si la cordée portée par Lynn Hill avait réussi à libérer toutes les longueurs, à l’exception de la 8e, il faudra attendre 2004 pour assister à la première ascension en libre, oeuvre des frères espagnols, Eneko et Iker Pou. 

    Depuis, quelques répétitions en libre ont eu lieu, notamment celle du Tchèque Ondra Benés et de l’Autrichien Harald Berger. Sans toutefois qu’aucune cordée féminine ne parvienne à se hisser en libre au sommet de Bravo les filles

    Bravo les filles, enfin libérée par une cordée féminine

    Juin 2025. Une nouvelle cordée se présente au pied de l’imposante paroi où se dessine la ligne de Bravo les filles : Marianna Ordóñez et Sasha DiGiulian, qui s’était familiarisée avec le granite de Tsaranoro en 2017, dans le cadre de son ascension de Mora Mora (700 m, 8c) aux côtés d’Edu Marin. 

    Les deux grimpeuses se sont, dès leur arrivée à Madagascar, mises à travailler les 13 longueurs de Bravo les filles. Une fois la voie déchiffrée, les méthodes calées (notamment dans le 8b) et les sections engagées apprivoisées, elles se sont lancées dans leur tentative d’ascension en libre de la ligne. 

    « Le premier jour, nous avons grimpé les premières longueurs en réversible [chaque membre de la cordée devient successivement le leader, ndlr] » raconte Sasha DiGiulian sur Instagram. « Est ensuite arrivée la longueur crux [le 8b, ndlr] ; je l’ai enchaînée dès mon premier essai – une vraie chance ! J’ai ensuite libéré la longueur suivante, puis nous sommes descendues à notre portaledge afin d’y passer la nuit avant de nous attaquer, dès le lendemain, aux 200 derniers mètres de la voie. »

    Le deuxième jour, la grimpeuse américaine a pris la tête jusqu’au sommet, enchaînant les longueurs « épuisantes, envahies par la végétation » souligne-t-elle. 

    « Nous sommes ensuite descendues en rappel en toute sécurité jusqu’à notre portaledge où nous avons passé notre dernière nuit avant de lever le camp et de retourner au pied de la paroi » poursuit Sasha DiGiulian. « Nous sommes ravies, fières et reconnaissantes d’avoir vécu une expérience aussi mémorable sur une ligne légendaire ». 

    Un an et demi après leur succès au Mexique, dans la voie El Sendero Luminoso, un bigwall de 760 mètres situé à El Potrero Chico, la cordée DiGiulian-Ordóñez a ainsi signé une belle première féminine, Bravo les filles, filmée et photographiée par Jan Novak et William Hamilton, dont il nous tarde de découvrir les images.